Histoire du PICOL

L’histoire est un narratif construit par des regards croisés, mouvants et subjectifs. Ce récit prend son essence dans le contexte et dans les yeux des individus qui le mobilise. Les faits historiques, partagés collectivement, dessinent une trame de fond sur laquelle les individus accrochent leurs interprétations du réel, leurs histoires personnelles.
Cette appropriation permet d’ancrés notre passage dans la grande Histoire, de clarifier notre rapport au monde, aux gens qui nous entourent, d’organiser et d’éclaircir les rapports de force en présence.
Ce préambule a pour but de remettre le discours qui va suivre dans ce récit. L’asbl PICOL est passé par plusieurs réels, plusieurs situations humaines, institutionnelles et politiques. La volonté montrée ici de se réapproprier cette histoire est motivée par un seul but : celui de toujours actualiser notre travail social et politique au contexte dans lequel il agit.

Introduction

Le Picol ou Partenariat Intégration Cohabitation Laeken est une initiative citoyenne fondée, il y a plus de 20 ans, par un petit groupe d’associations actives à Laeken. Celui-ci a le souhait notamment de formaliser un partenariat dans le cadre des Programmes d’Insertion Cohabitation mis en place par la Région de Bruxelles-Capitale.

20 années plus tard, le Picol peut-il encore se définir comme une initiative citoyenne ? Ne s’est-il pas inscrit progressivement dans une professionnalisation de l’action ? N’est-ce pas une association animée par des professionnels avec et pour des citoyens ? Quel est l’avenir du groupe ?

Répondre à ces questions, c’est d’abord interroger l’origine du Picol, le contexte idéologique lors de sa création ainsi que le contexte institutionnel. C’est aussi reprendre l’objet social de l’association et sa mise œuvre. C’est surtout questionner les évolutions de l’action et de l’équipe d’animation. C’est finalement aborder le changement et tracer l’avenir du Picol.

Origine du Picol

D’aucuns, et ils sont nombreux, affirment aisément aujourd’hui que le secteur associatif est né dans les années 90. Il est vrai qu’avant cette période, le secteur ne comptaient pas autant d’associations qu’actuellement.
Comment justifier cela ?

En 1990, le contexte institutionnel dans lequel baigne le secteur associatif commence sa mutation suite à la disparition progressive de l’Etat Providence. Ce dernier organise petit-à-petit une sous-traitance de ses responsabilités non seulement dans le champ social mais aussi la santé et la culture.
Cette sous-traitance trouvera comme cadre légal des Décrets, des Ordonnances, des Arrêtés Royaux voire des Lois. Cet arsenal légal ne ciblera pas des actions généralistes mais des activités choisies par les dirigeants. Choix qui s’affineront aux cours du temps pour donner « les appels à projets ».

Le fait de légiférer et ainsi « privatiser » en quelque sorte, les trois secteurs, ci-dessus nommés, va favoriser l’apparition d’une pléthore d’initiatives organisées en association au statut d’asbl pour la plupart.

Ces initiatives se verront financées notamment, dans le cadre de l’Education Permanente, le Programme d’Insertion Cohabitation, les Contrats de Quartier, le Réseau Habitat, le FIPI, les programmes d’Insertion socio-professionnelle comme les ACS, le Maribel, ...

A noter que ce contexte va favoriser les tensions entre les offres associatives et la difficulté pour ce secteur de se coordonner et ainsi parler d’une seule voix.

C’est aussi dans ce contexte qu’est créé en 1997, le PICOL sur fond de Programme Intégration Cohabitation comme le laisse entendre l’article 3 des statuts.

Contexte idéologique

Si le PICOL naît dans un contexte institutionnel, il est également enfanté dans un cadre idéologique autour d’un slogan « VOIR-JUGER-AGIR ».

Rappelons que ce slogan est l’œuvre du Cardinal Cardijn dans les années 1920, lorsqu’il crée la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) qui trouvera place au sein du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC).

La JOC a pour but l’émancipation de la classe ouvrière qu’elle veut arracher au discours marxiste. Cette émancipation s’appuie sur une méthode collective d’approche des problèmes sociaux à savoir réunir les jeunes travailleurs et les accompagner dans le cadre de récits de vie. Ils sont incités à, en groupe, révéler ce qu’ils ont observé dans leur activité professionnelle, établir un jugement et proposer des pistes d’action soit VOIR-JUGER-AGIR.
Très vite les discussions de groupe montrent leur limite. Les jeunes travailleurs dans leurs échanges tournent en rond. Les dirigeants de la JOC décident d’intervenir et de structurer le propos. Les encadrants seront puisés dans le clergé ou la bourgeoisie. Des fiches pédagogiques vont être créées et le jugement s’appuiera sur les Écritures.

Certes le discours de la JOC évoluera au cours du temps mais le slogan demeurera. Au point de se trouver repris dans tous les rapports officiels que le PICOL adresse aux pouvoirs subsidiant. Des travailleurs sociaux au sein de la coordination sociale de Laeken font leur ce slogan.

Ceci posé, en quoi la JOC et sa méthode vont influencer le PICOL.

Pour répondre à cette question, il y a lieu d’interroger les statuts créant le PICOL et en particulier la liste des membres fondateurs.

Qui sont-ils ?

Création du Picol

Bien que créé en 1995, le PICOL est fondé officiellement le 25 juin1997.
Les membres fondateurs sont :

  • l’asbl GESL
  • l’asbl Centre Alpha Laeken
  • l’asbl Le Colombier
  • l’association de fait Jaws
  • l’asbl Mosaïque

Ces personnes morales sont de fait représentées par des personnes physique qui ont, pour la plupart, des liens avec le monde chrétien : aumônier de la JOC, militant, ...

Quant à l’objet social - l’article 3 des statuts – il précise : L’association a pour objet de développer l’action en partenariat entre les différentes organisations actives sur le terrain de Laeken et de lutter ensemble contre l’exclusion sociale ainsi que de développer toutes actions favorisant une meilleur intégration sociale en particulier des populations d’origine étrangère, ainsi qu’une meilleure cohabitation entre les différentes communautés et entre les différentes générations.

Des mots sont à relever : partenaire, intégration et cohabitation.
Ceux-ci traduisent bien la volonté d’inscrire l’objet du Picol dans le cadre du dispositif Programme Intégration Cohabitation de la Région de Bruxelles-Capitale.

La mise en œuvre de l’objet social

La mise en œuvre de l’objet social du Picol se traduit par la constitution d’une équipe chargée du fonctionnement de l’association et la création ou le développement de projets voire d’activités. Toutefois, c’est l’action en partenariat qui sera privilégiée. Un partenariat restreint à quelques associations ayant pour fil rouge un même pouvoir organisateur.

Parallèlement au partenariat privilégié entre le PICOL et quelques associations se met en place un partenariat beaucoup plus large dont l’animation lui sera confiée : la Coordination Sociale de Laeken (CSL).
Celle-ci a été créée en 1988 suite à la volonté de certains acteurs locaux de partager leur perception des problèmes du quartier. Il s’agit alors plus d’une plate-forme de rencontre que d’une coordination. Au court du temps le groupe se structure pour devenir un lieu de coordination avec une production majeure tous les 6 ans : le Plan Global de Revitalisation.

Les projets menés par la CSL se veulent indépendant mais il est difficile de dissocier les activités de cette coordination de celles du Picol. La confusion s’installe entre ces deux lieux.

Quant à l’équipe première, qui se met en place entre 2001 et 2003, elle se compose d’un agent administratif sous contrat Maribel, d’une coordinatrice et d’une secrétaire. L’essentiel de l’activité est consacré à une mise à disposition pour le projet « Maison de la Création » et l’animation des comités d’action de la Coordination sociale de Laeken. A cela s’ajoute le Projet de Cohésion sociale (PCS - Léopold) en 2003.

Évolution

Comme la plupart des associations, le Picol connaît une évolution. Celle-ci conduit à un accroissement progressif de l’équipe, une professionnalisation des acteurs de terrains, des modifications ou adaptation d’actions au gré des modes de subvention.
Quant au pouvoir organisateur, il évolue très peu.

Un premier changement dans l’équipe d’animation du Picol, soit un changement de coordination, amène cette dernière à favoriser la recherche de subside afin de donner au Picol une identité affirmée plutôt que d’inscrire l’association en filigrane de toutes les activités menées par la CSL et du partenariat privilégié avec certaines associations.

En 2005, l’équipe s’étoffe de 4 personnes engagées sous contrat ACS. Le groupe se professionnalise notamment par l’arrivée d’animateurs avec des titres universitaires. L’essentiel de l’activité demeure : la CSL avec la dynamisation des comités d’action et le Plan Global de Revitalisation, le soutien à la Maison de la Création et la Coordination du PCS.

A partir de 2006, s’ajouteront progressivement la Fête de la Soupe, la Fête des Lumières, le suivi des Contrats de Quartier et le projet Éducation Permanente.

2008 voit un nouveau changement de coordination. L’équipe du Picol poursuit la volonté de donner à l’association une identité propre en mettant l’accent sur l’Éducation Permanente. (...)

Changement

En 2019, après plus de 20 ans de présence, le président démissionne et le coordinateur en place depuis 2008 part à la retraite.
Une nouvelle vision se met en place. (...)

Un extrait du texte co-écrit sous la direction de Léopold Vereecken

Sources :

 Jacques Hanon, Historique du développement d’un « réseau associatif d’initiative citoyenne » à Laeken 1992-2010, Picol, 2011

 Interview Carole Barbe, décembre 2021